RETOUR sur le festival de cinéma colombien migrant

Un festival pour encourager le processus de paix

Co-organisé avec les diasporas colombiennes dans 38 villes dans le monde, le festival a pour objectif de sensibiliser aux enjeux contemporains de la Colombie et de tisser des liens autour de la migration colombienne. Réalisé par des collectifs de défense des droits humains, d’artistes exilés et réfugiés, le festival est un moyen de construire un récit commun autour de l’exil, la migration forcée à travers l’art et les cultures.

  • Un conflit avec des conséquences

Le déplacement forcé, l’une des répercussions du conflit entre les groupes armées et les gouvernements sur les civils a été le thème de cette deuxième édition du festival.

A la Maison des Initiatives Etudiantes (MIE), le documentaire Nunca Más de Marta Rodríguez et Fernando Restrepo ouvre la programmation du troisième jour du festival parisien. En 58 minutes, le court-métrage retrace les déplacements forcés datant de 1997 des communautés de l’Urabá, Antioqueño et Chocuano, par représailles des acteurs armés. Une projection qui a pour but de sensibiliser le public. “La paix n’est pas suffisante, il faudra aussi des années – 30, 40, 50 ans – pour la restitution des terres perdues aux communautés” explique Amarilla, membre de l’association Teje.

Depuis la genèse du conflit en 1948, les organisations et institutions gouvernementales et internationales comptent 7 millions de déplacés forcés. Parmi eux, les communautés vulnérables du pays sont surreprésentées. “Les populations les plus touchées par les conflits ont été les afro-colombiens, les autochtones et les paysans. D’autant plus que la migration forcée vers les villes a augmenté les vulnérabilités sociales et économiques de ces personnes” pointe Paula, présidente de l’association Ciudadanías por la Paz (Citoyennetés pour la Paix).

  • Un moment de partage

A la fin des projections, alors que la lumière refaisait surface, les membres des associations organisatrices du festival ont davantage expliqué les enjeux sociaux et économiques autour de la propriété terrienne et de l’agriculture mis en lumière par ces films.

Un moment bénéfique pour partager ses émotions et ses réflexions sur ces différentes œuvres du septième art et sur ces sujets émotifs. “Nous on est là, alors qu’eux, car il y a encore des colombiens et colombiennes dans ces situations là, n’ont plus rien, plus de chez soi” partage avec émotion un jeune expatrié colombien dans le public à la fin des projections au Consulat général de Colombie.

Un processus de paix pas encore acquis

Le festival a aussi été l’occasion d’accentuer le long combat nécessaire pour réclamer justice chez les victimes civiles.

  • Une paix qui n’arrange pas tout le monde

Mercredi, pour le quatrième jour du festival à Paris, Aves de Paso nous a accueilli au campus Condorcet à Aubervilliers. Une autre occasion d’échanger autour des enjeux post-accord de paix entre l’ex-guérilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement avec la journaliste Guylaine Roujol Pérez. “Tout le monde n’a pas intérêt à la paix. La guerre est une activité bénéfique pour certaines personnes” a-t-elle expliqué à l’audience curieuse d’en savoir plus.

  • Un processus long

Signés il y a 7 ans, les accords de paix ont besoin de temps et de personnes engagées sur le terrain pour être mise en place, ont expliqué à maintes reprises les co-organisatrices du festival.Une fois la conférence terminée, le documentaire Bajo Fuego de Sjoerd Van Grootheest débute. Il raconte le quotidien de plusieurs paysans, qui cherchent à convertir leurs cultures de coca pour vivre en paix, pour cesser de vivre sous la peur des attaques des groupes armées. Dans le sillage des accords de paix entre les FARC et le gouvernement, ce dernier les incite à se débarrasser de leurs plants de coca. Mais aucune aide ne leur sera survenue, alors que le président élu aux sorties de ces accords Iván Duque Márquez a décidé de ne pas les mettre en place. Le film retrace les conséquences de cette décision politique, mettant en danger ces populations face à de nouveaux groupes armées nés de la démilitarisation des FARC.

“Une résilience et une dignité propre au peuple colombien”

Résilience et dignité: deux mots souvent utilisés par les co-organisatrices du festival lors de cette semaine de diffusions pour décrire le peuple colombien.

  • Garder des liens et transmettre des cultures

Les déplacements forcés dressent un enjeu crucial: la reconstruction des liens sociaux après l’explosion des communautés et des familles sur plusieurs territoires. “Une catastrophe qui a touché à 52% les femmes” expose Paula. Malgré la longévité des conflits et les longs déplacements des familles, les femmes ont essayé de maintenir les coutumes de leur communauté et de le transmettre. Le documentaire Catapum: No tengo donde Caer de Palu Abadia dépeint l’héritage musical du Bullerengue, un genre issu des populations afro-descendantes de la côte caribéenne de Colombie essentiellement chanté par des femmes, surnommées cantadoras. En suivant le parcours de trois cantadoras de Bullerengue, nous les accompagnons dans leur lutte pour maintenir en vie cet héritage culturel datant des premières libérations des esclaves africains sous les colonies espagnoles.

  • Des films, mais pas que !

Après la diffusion de plus de 20 films en 8 jours, les échanges entre public et diaspora ont perduré à travers des ateliers, expositions et concerts.

Nous avons été accompagnés des photographes et artistes Andrés Montés Zuluaga et Ariel Arango à Paris, ainsi que des artistes visuels Christophe Gadenne, Hélène Deghilage, Carolina Rodriguez, Leidy Jalk et Gillermina Scaraffia à Lille. Chacun et chacune, avec leur patte artistique et leur sensibilité, ont exposé leurs œuvres portant sur l’immigration et les territoires.

Le dernier soir du festival à Lille, après les concerts de Criscato y Claudia, Vojabé, que Tin y que Tan et Cabrochico, les participants et participantes des “Ateliers territoires d’écoute” ont également vu leurs œuvres exposées à côté de celles des 5 artistes. Dans le but d’extérioriser nos pensées et sentiments sur les films projetés en salle, ces ateliers ont aussi été l’occasion de laisser libre cours à la créativité de chacun et chacune à travers le dessin, la gravure ou encore le collage.Le dernier atelier, portant sur l’imaginaire de la maison, laissa une grande place à la nature. Un lieu, un territoire comme lieu de “refuge”, selon l’une des artistes anonymes de cet atelier clôturant ces trois jours de festival à Lille.

– Erin Rivoalan-Cochet

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