Dans le cadre du festival Tissant la Paix: au cœur des forêts tropicales, nous publions les 3 postes que nous avons réalisés à ce sujet sur Pazport. La protection des jungles ne peut pas se dissocier de la protection des droits humains. Notamment de ceux des populations minoritaires et vulnérables comme les autochtones et afro-colombiens. Premières victimes du conflit armé, des politiques sont mises en places pour parvenir à changer la situation. [3/3]
Des violences accrues contre les populations autochtones et afro-colombiennes
Les quatre enfants autochtones retrouvés en pleine jungle colombienne après 40 jours de survie a été fortement médiatisé en Colombie et en France ce mois de juin. Malheureusement, ce “miracle” reflète les conditions de vie des populations autochtones colombiennes, comme l’explique la sociologue Olga Gonzalez.
Le jeun forcé est une réalité chez les Uitoto, la communauté d’origine de ces quatre enfants habitant dans le département Du Caqueta, et des autres peuples de l’Amazonie colombienne. Les enfants de moins de quatre ans sont plus petits et plus légers que les enfants de toutes les autres régions colombiennes selon Instituto Amazónico de Investigaciones Científicas. Déjà au XXe siècle, à cause de l’exploitation du caoutchouc en Amazonie, ce peuple a subi violences et esclavage.
Les premières victimes du conflit armées
“Les peuples ethniques, les femmes des milieux populaires, les enfants et jeunes des zones rurales ou urbaines marginalisées” ont été les plus affectés par le conflit armé, pointe cette année la Commission de la Vérité de Colombie.
La population indigène représente 3.4% de la population colombienne selon l’organisation danoise Iwgia. L’Etat la reconnaît comme propriétaire légitime de 954 000 hectares de forêt protégée. Malgré ce statut, leurs lieux de vie sont fortement menacés. Les Nukak, connus pour être l’unique “communauté nomade” du pays, a perdu 1.122 hectares de terres à cause de la déforestation pour la culture de la coca en 2020.
Les populations afrodescendantes, qui représentent 7,3% de la population colombienne, toujours selon Iwgia, n’en sont pas moins touchées. Ces deux groupes minoritaires sont victimes de déplacements forcés et diverses violences depuis la genèse du conflit, allant des recrutements forcés aux pogroms. L’un des massacres les plus violents du conflit armée colombien s’est déroulé dans un petit village de pêcheurs dans le département du Chocó en 2002. 10% de sa population a été assassinée.
Les chef·fe·s des communautés autochtones et afro-colombiennes sont aussi pris pour cibles par les groupes armées, notamment les paramilitaires. Ces exactions sont majoritairement commises en raison de l’absence de l’Etat sur ces territoires, du manque d’investissement et du racisme institutionnalisé selon les activistes.
Protection des droits humains… en protégeant la nature
Pour cesser ce schéma de violence, des mesures spécifiquement prises pour les populations racisées et à risques ont été signées lors des accords de paix de 2016. Cependant, leur mise en œuvre manque.
Certaines études ont montré que les aires protégées et les réserves autochtones sont bénéfiques dans la réduction de la déforestation en Colombie. Les afro-colombiens campesinos, travaillant au quotidien la terre dans le respect de la biodiversité, se perçoivent aussi comme les défenseurs de l’écosystème colombien. La défense des forêts tropicales ainsi que de ses populations vulnérables semblent ne pas pouvoir se dissocier des négociations de trêves avec les groupes armées.
Dans un contexte post-accord de paix, ces populations ainsi que leur habitat restent menacées par les activités d’extractions menées majoritairement par des multinationales étrangères. Par l’exploitation du caoutchouc amazonien, mais aussi de l’huile de palme ou du charbon. Les déplacements forcés continuent, les sites exploités ont tendance à se militariser, la gouvernance et l’autonomie des territoires en est généralement menacée.
Pour contrer ce phénomène, depuis septembre 2022, la ministre de l’agriculture et du développement rural Cecilia López a mis en place les bases de la réforme agraire du gouvernement du président Gustavo Petro. L’objectif: attribuer 681,372 hectares de terre aux paysans, autochtones et afro-descendants. Une avancée historique qui doit encore faire ses preuves.
– Erin Rivoalan-Cochet
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